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Résoudre le mystère de la matière noire
Physique des particules
Astroparticules
Cosmologie
Il semble que l'Univers contienne cinq fois plus de "masse" que ce que perçoivent les télescopes. Cette constatation, qui montre bien que quelque chose nous échappe, a mis l’intégralité du monde de la physique des deux infinis en ébullition. La résolution de cette énigme sera sans nul doute un tournant scientifique historique tant il met en jeu notre connaissance globale du cosmos.
En cherchant de nouvelles particules
Imaginer ce que serait une particule de matière noire
Si la matière noire est la manifestation d’une particule inconnue, les théoriciens doivent imaginer quelle serait sa place et son rôle en lien avec le modèle standard de la physique des particules. Dans cet esprit, ils ont imaginé deux grandes familles de scenarios qui introduisent chacune une particule candidate pour la matière noire : le WIMP et l’axion. De nombreuses expériences actuelles testent ces hypothèses en tentant de détecter des signes de l’une ou de l’autre.

Le cryostat de l’expérience Edelweiss 3
crédits : IN2P3 Mathis Koroglu

Pour détecter la matière noire,
la patience est de mise
En partant de l’hypothèse que nous baignons dans un halo de particules de matière noire, les physiciens ont imaginé des détecteurs ultrasensibles qu’ils surveillent jour et nuit dans l’attente de la manifestation d’un WIMP ou d’un axion. Avec des technologies différentes, les expériences XENON et Edelweiss, prennent part à cette quête depuis des années

Le détecteur XENON
crédits : Coll XENON

Chercher le brin qui manque dans la botte de foin
Il se pourrait aussi que dans les collisions de protons du LHC des particules de matière noire soient créées. À défaut d’être en mesure de les observer directement, les scientifiques des expériences ATLAS et CMS étudient le bilan énergétique de milliards de désintégrations. Si de l’énergie semble manquer, c’est peut-être que de la matière noire a traversé tout l'appareillage sans être détectée. Une telle observation permettrait de caractériser cette matière noire.
Annihilation : l’ombre de la matière noire
La collision de deux particules de matière noire devrait théoriquement générer des sous-produits que certaines expériences cherchent à détecter. C’est le cas de l’expérience AMS-02 à bord de la station spatiale internationale et du satellite Fermi.

Le détecteur ATLAS
crédits : CERN

En cherchant ce qui a pu nous échapper
L’Univers a besoin de matière noire pour tenir en place
Le mystère de la matière noire est une découverte des astronomes. Ils ont constaté que au bord des galaxies, les étoiles tournaient trop vite pour que la cohésion de l’ensemble soit compatible avec les lois de la gravitation. La recherche de cette masse sous forme de gaz ou d’étoiles mortes n'a pas été concluante. L’analyse du fond diffus cosmologique est venue récemment enfoncer le clou en arrivant à la conclusion qu’il existe bien, à l’échelle de l’Univers entier, cinq fois plus de matière « non conventionnelle » que de matière ordinaire.

Les petits arcs autour de l’amas Abell 2218 sont des effets de lentille gravitationnelle. L’effet est ici beaucoup plus puissant que s’il était dû à la seule matière visible
crédits : NASA ESA

L’explication des trous noirs primordiaux
Des trous noirs formés aux premiers instants de l’Univers, les trous noirs primordiaux, ont été imaginés pour expliquer la masse manquante. Les plus légers ont été exclus car ils auraient empêché la formation de la matière ordinaire par leur évaporation. Ceux avec une masse entre celle de Jupiter et celle du Soleil ont été écartés par l’expérience EROS notamment car on aurait vu leur passage dans le halo galactique par effet de microlentille gravitationnelle. La détection de nombreux trous noirs de quelques dizaines de masses solaires par les interféromètres de LIGO-Virgo a ravivé cette hypothèse car ces objets ne sont pas prévus par les modèles actuels de formation stellaire.

Catalogue des fusions de trous noirs et d’étoiles à neutrons observées par les détecteurs d’ondes gravitationnelles LIGO et Virgo
crédits : LIGO-Virgo Frank Elavsky, Aaron Geller | Northwestern

La vitesse des étoiles augmente à mesure que l’on s’éloigne du centre de la galaxie, alors qu’elle devrait en toute logique suivre la courbe en pointillés.
Crédit Mario De Leo

Et s’il fallait revoir les équations ?
En modifiant les équations de Newton pour le régime des très faibles accélérations, le problème de la masse manquante dans les galaxies se résout de lui même sans avoir à faire intervenir de matière noire ! C’est la solution que défend la théorie MOND. Cependant, ses prédictions peinent à se vérifier à d’autres échelles que celle des galaxies. D’autres voies de recherche sont explorées, cherchant elles-aussi à revisiter la théorie de la relativité générale d’Einstein.