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Un institut pour sonder les infinis
Institutionnel
Le 14 avril 1971 paraît au Journal Officiel de la République le décret officialisant la naissance d’un nouvel institut chargé de développer et coordonner la recherche française en physique nucléaire et en physique des particules. À compter de ce jour, les laboratoires de ces disciplines, éparpillés sur les campus universitaires nationaux, vont se ranger sous la bannière de l’IN2P3. Ensemble ils pourront perpétuer l’excellence française dans ces sciences qui ne s’envisagent plus sans le montage d’expériences et d’infrastructures « XXL » adossées, le plus souvent, à de vastes collaborations internationales.
Une tradition
Le nouvel institut ne s’implante pas sur une terre en friches. Il est le dépositaire d’une longue tradition, qui a commencé à s’écrire au soir du XIXe siècle, autour des travaux sur la radioactivité et sur l’atome, et qui a connu des avancées déterminantes à partir des années 1930, avec d’une part les découvertes du neutron, de la radioactivité artificielle et de la fission, et d’autre part l’études des rayons cosmiques. En France, la généalogie de l’IN2P3 compte des noms aussi illustres que Becquerel, Curie, Joliot, mais aussi Auger, de Broglie, Leprince-Ringuet…
Irène et Frédéric Joliot Curie, prix Nobel de Chimie pour la découverte de la radioactivité artificielle ont largement contribué au développement de la physique nucléaire en France.
crédits : Photo Henri Manuel (1943), Musée Curie (Coll. ACJC)
Le traditionnel congrès de Solvay, rassemblait la crème des physiciens du début du XXème siècle. Ici en 1933, parmi les 9 physiciens et physiciennes présents, figuraient Marie Curie, Irène et Frédéric Joliot-Curie, Paul Langevin, Francis Perrin, Maurice et Louis de Broglie, Paul Dirac, Emile Henriot.
crédits : Photo Henri Manuel (1943), Musée Curie (Coll. ACJC)
En 1956, pour accompagner la montée en puissance de la physique nucléaire, les laboratoires du LAL et de l’IPN sont créés à Orsay sous l’impulsion d’Irène et de Frédéric Joliot Curie. A cette époque de nombreux laboratoires de physique nucléaire voient le jour en France autour de petits accélérateurs et une importante communauté de physiciens se constitue.
crédits : IJCLab
Une ambition
Le point commun de ces pionniers et de ces pionnières ? Leurs expériences occupaient « un coin de table », comme Frédéric Joliot l’a souvent rappelé ensuite. Mais un saut d’échelle survient dès les années 1940 : les projets, d’envergure nationale et de plus en plus internationale, mobilisent des dizaines puis bientôt des centaines de scientifiques, et requièrent des instruments colossaux. L’IN2P3 est l’outil conçu pour accompagner cette évolution.
Tunnel de l’accélérateur SPS.
La création du CERN en 1954 est un tournant majeur. Ce Laboratoire européen de physique nucléaire doit fédérer les efforts internationaux pour mettre en œuvre des projets d’une ambition croissante que les laboratoires nationaux ne peuvent entreprendre seuls. Cette montée en puissance s’affirme dans les années 70 avec le démarrage de l’accélérateur SPS long de 7 km, puis du LEP de 27 km en 1989.
crédits : CERN
Dans les années 60, l’idée d’un institut capable de peser dans le montage et la conduite des expériences internationales, fait son chemin, portée notamment par Jean Teillac, photographié ici en 1958 aux côtés de Frédéric Joliot-Curie
crédits : Musée Curie (Coll. ACJC)
Une création
À la génération pionnière succède ainsi la génération bâtisseuse. Nombreux sont celles et ceux qui, dès l’aube des années 1960, apportent leur pierre à l’institut national en gestation. Le projet fait d’ailleurs l’objet de débats intenses : une décennie sépare l’idée originale, portée par André Blanc-Lapierre, de sa réalisation, sous la direction de Jean Teillac. La genèse de l’IN2P3 n’a pas été un long fleuve tranquille ! Mais nécessité fait loi… ou décret : celui du 14 avril 1971 marque le début d’une merveilleuse aventure scientifique et humaine.
Une réalisation
50 ans plus tard, les débats de la genèse sont loin et chacun se félicite de cette initiative qui a placé la recherche française au premier rang des grandes avancées mondiales que sont la découverte des bosons W et Z, celle du boson de Higgs, des ondes gravitationnelles, de l’énergie noire ou du récit des premiers instants de l’Univers. Aujourd’hui, l’IN2P3 est présent dans des dizaines de grands projets de recherche internationaux dont l’ambition, entre l’exploration de l’infiniment grand et celle de l’infiniment petit, ne semble pas avoir de limite.