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Domestiquer les neutrinos
Neutrinos
Astroparticules
Cosmologie
Les neutrinos sont les particules les plus abondantes de l’Univers après les photons. Pourtant ce sont aussi les plus mal connues tant elles sont insaisissables. Mais, les technologies de détection se développant, et les moyens de produire des neutrinos de manière artificielle se multipliant, via un réacteur nucléaire ou un accélérateur de particules, les physiciens arrachent un à un leurs secrets et une nouvelle astronomie basée sur ces particules jette un nouveau jour sur notre Univers.
Une particule encore très mystérieuse
Contre toute attente les neutrinos oscillent...
Dans les années 70-80, la détection des neutrinos électroniques en provenance du Soleil a semé le trouble. Le flux mesuré atteignait tout juste le tiers du flux attendu. L’énigme a duré plus de 20 ans avant que les physiciens ne parviennent à démontrer que les neutrinos se métamorphosaient pendant leur périple entre le Soleil et la Terre. Il y a en effet trois sortes de neutrinos (l’électronique, le muonique et le tauique) et chacun a la faculté de se muer en l’un ou l’autre. La mise en évidence de cette particularité a eu des conséquences majeures. Le mécanisme d’oscillation nécessite que les neutrinos aient une masse, et ça n’était pas prévu par la théorie...

crédits : Super Kamiokande - Super Kamiokande

Double Chooz
crédits : CNRS IN2P3

BOREXINO
crédits : Coll BOREXINO
Les détecteurs de neutrinos sont de grands volumes remplis d’un liquide scintillant et tapissés de détecteurs de lumière. Ici, Double Chooz dans les Ardennes françaises, Borexino en Italie, Super Kamiokande au Japon.

... ont une masse...
Si les neutrinos ont une masse, les scientifiques sont encore bien incapables d’en fournir la valeur. De nouvelles expériences d’un gigantisme et d’une sensibilité redoublés, JUNO auprès de réacteurs nucléaires, DUNE et Hyper Kamiokande auprès d’accélérateurs, vont étudier les neutrinos avec une précision sans précédent et tenter de lever le voile sur ces masses.

Les neutrinos n’interagissent que très peu avec la matière. Dans l’expérience DUNE, les neutrinos traversent 1300 km de croûte terrestre avant d’atteindre les détecteurs.
crédits : DUNE Fermilab

... seraient leur propre antiparticule...
Autre bizarrerie des neutrinos, les physiciens n’en voient que des « gauchers » alors que la théorie voudrait qu’il en existe aussi des droitiers. Deux solutions sont imaginées et actuellement testées. Dans la première (expériences NEMO et SuperNEMO au laboratoire souterrain de Modane), les neutrinos et les antineutrinos ne forment en fait qu’une seule particule indiscernable. La seconde (expérience STEREO à Grenoble) fait intervenir un quatrième neutrino, massif mais indétectable. Quel que soit le résultat de ces travaux, l’issue pourrait profondément chambouler les bases de la physique.
... et pourraient expliquer la disparition de l’antimatière.
Les physiciens soupçonnent que les neutrinos aient pu, peu après le Big Bang, avoir été responsables du déficit d’antimatière qui a conduit à un Univers composé presque exclusivement de matière. Cette hypothèse, actuellement testée dans l’expérience T2K, tient en haleine tous les spécialistes des neutrinos.

Montage de l’expérience SuperNEMO
crédits : SuperNEMO

Un messager du cosmos

Vue d’artiste d’ANTARES imergé par 2500m de fond.
crédits : R. Svobodaand K. Gordan(LSU)

Catalogue des sources pointées par le télescope en 11 années de prise de données.
crédits : Coll. ANTARES

2000 mètres sous les mers
Les neutrinos n’étant pas déviés par les champs magnétiques contrairement aux particules chargées et de plus interagissant très peu avec la matière, ils s’avèrent d’excellents messagers pour l’étude de phénomènes cosmiques comme les pulsars, les sursauts gamma, les supernovae, ou peut-être même la formation d’étoiles à neutrons ou de trous noirs. Mais les capter en quantité suffisante demande de construire des télescope gigantesques. La solution choisie par les équipes de l’IN2P3 consiste à installer, dans les abysses méditerranéens, des milliers de capteurs qui surveillent le passage des neutrinos dans l’eau de mer. Un premier télescope ANTARES a montré la faisabilité de la méthode et un nouveau, KM3NeT, est maintenant en construction.

Module de photodétection d’une ligne du télescope à neutrinos de nouvelle génération KM3NeT avant son immersion en mer méditerranée.
Patrick Dumas CNRS

Voyage au centre du Soleil
Les neutrinos solaires sont produits par les réactions nucléaires au cœur de l’étoile et nous parviennent sans rencontrer d’obstacles. Leur analyse donne donc une vision très précise des phénomènes qui se déroulent dans le Soleil. En recoupant ces informations avec celles issues de la physique nucléaire, il devient possible de bâtir des modèles très fidèles du fonctionnement des étoiles.
 
A la poursuite des neutrinos reliques
Les neutrinos ayant la propriété d'interagir très peu avec la matière, ils sont condamnés à errer éternellement dans l’Univers. En partant de ce principe, les physiciens se proposent d’essayer de détecter ces neutrinos « reliques » émis par les supernovae depuis les âges reculés de l’Univers, ou, encore plus ambitieux, les neutrinos produits par le Big Bang.

Soleil vu en neutrinos durant 500 jours par Super Kamiokande
crédits : R. Svobodaand K. Gordan(LSU)