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Simuler à toutes les échelles
Calcul et données
Les physiciens mettent en équations leur compréhension de l’Univers. Ces modèles mathématiques alliés à la technologie informatique leur permettent de simuler la physique à l’échelle de l’Univers ou des particules. C’est en confrontant les simulations à la réalité des expériences qu’ils font avancer leurs connaissances des deux infinis.
Simuler les particules
Mieux concevoir et mieux comprendre
La simulation est au cœur de la physique des particules. La collision de noyaux par exemple, le jaillissement des particules qui en résulte, leurs interactions avec le détecteur et jusqu’aux signaux électroniques qu’elles provoquent, sont simulés avec une précision extrême. Ces simulations permettent de valider le bon fonctionnement et les performances des détecteurs mais aussi les techniques d’analyse. La comparaison des données issues des expériences avec celles des simulations conduisent, si tout concorde, à valider les modèles théoriques. À l’inverse, des désaccords entre données et simulation peuvent mettre en évidence des phénomènes inattendus qui viendront nourrir de nouvelles théories, simulées à leur tour et confrontées à l’expérience.

Simulation dans Geant4 d’une collision de noyaux vue par le détecteur CMS au CERN
crédits : collaboration CMS

Un GÉANT au service de la simulation
GEANT est le nom d'un ensemble de logiciels de simulation du passage des particules élémentaires dans la matière. Ils utilisent la méthode Monte Carlo pour modéliser les interactions que ces particules subissent sur leur trajet. Développé à l'origine au CERN en 1974 pour des expériences de physique des hautes énergies, GEANT est aujourd’hui toujours utilisé au LHC, dans les expériences de physique nucléaire ou dans les expériences de neutrinos T2K ou DUNE par exemple. Sa dernière version Geant4 trouve des applications dans des domaines aussi divers que le spatial, la médecine nucléaire ou la microélectronique.

Étude de l’action des rayonne- Massimo ments sur l’ADN
crédits : Collaboration Geant4 DNA

Des super-calculateurs pour modéliser l’interaction forte
L’interaction forte entre quarks et gluons est responsable de l'existence des protons et des neutrons, et indirectement de la force nucléaire qui lie les noyaux atomiques. La simulation des quarks, des nucléons et de leurs interactions nécessite l'utilisation d'ordinateurs toujours plus puissants : plusieurs dizaines de millions d'heure de calculs peuvent être mobilisées en une année en France. Les scientifiques ont alors recours aux moyens informatiques des supercalculateurs répartis à travers le monde, dont trois d’entre eux se trouvent en France.

Simulation d'accélération par sillage laser avec le code SMILEI co-développé par l'IN2P3
crédits : Mathieu Lobet et Francesco Massimo

Simuler les faisceaux du futur
Le développement de l’accélération par ondes plasma, technologie envisagée pour construire des accélérateurs très compacts, s’appuie sur un code de calcul intensif développé spécialement à cette occasion par une collaboration française. Baptisé SMILEI, il permet de simuler une large gamme de phénomènes physiques, et en particulier la transformation de la matière en plasma lorsqu’elle est irradiée par des lasers d’intensité extrême.
Simuler l’Univers
L’Univers en miniature
Simuler l’Univers et ses phénomènes violents est devenu possible grâce à d’ingénieuses stratégies de calcul imaginées par les scientifiques. Les simulations contraintes par exemple, où les mesures de distances et de vitesses de galaxies connues sont prises en compte, permettent de tester les modèles, découvrir des superamas ou étudier la formation des galaxies en général
Simuler 10 milliards d’années d’évolution cosmique
Les simulations permettent de déterminer la meilleure stratégie instrumentale, préparer l’analyse puis exploiter au mieux des observations. Pour analyser les observations du satellite EUCLID ou du projet LSST, les scientifiques ont calculé l’évolution des galaxies de la toile cosmique sur les 10 derniers milliards d’années, pour environ la moitié de la voûte céleste, afin de simuler la couleur, la forme et la luminosité attendues de ces milliards de sources.

Simulation de la distribution de matière noire dans l’Univers local et l’amas de la Vierge dans une « boîte » de 64 Mpc/h.
crédits : S. Gottlöber, G. Yepes, A. Klypin, A. Khalatyan

Simulation numérique de la fusion de deux trous noirs
crédits : N. Fischer, H. Pfeiffer, A. Buon anno (Max Planck Institute for Gravitational Physics), Simulating eXtreme Spacetimes (SXS) Collaboration

Simuler pour interpréter les ondes gravitationnelles
Les signaux d'ondes gravitationnelles détectés depuis 2015 sont tous issus de la fusion d'un système de deux astres compacts (trous noirs ou étoiles à neutrons). L'ensemble du processus d'analyse des données repose de manière cruciale sur les simulations des formes d'onde attendues. Ces prédictions combinent des calculs analytiques et des simulations de relativité générale numérique très poussés.
Simuler jusqu’à la frontière de l’infiniment grand
La limite de ce qui nous est accessible dans l’infiniment grand est la surface de dernière diffusion entre matière et lumière, 380 000 ans après le Big Bang. Avant l’Univers était opaque. La comparaison statistique des obervations de ce fond diffus cosmologique avec sa simulation permet d’estimer, au pourcent, les conditions initiales à environ 10-30 seconde après le Big Bang, les fractions de matières ordinaire et noire et la vitesse d’expansion de l’espace aujourd’hui.

Comparaison entre les observations du rayonnement fossile par Planck (en haut) et les simulations (en bas) des sur- et sous-densités de matière en intensité et en polarisation.
crédits : ESA