Le 19 juillet 1973 l’existence de courants neutres était annoncée au CERN grâce aux résultats obtenus avec la grande chambre à bulles Gargamelle, baptisée ainsi du fait de sa taille par Louis Leprince-Ringuet. Sous la conduite d’André Lagarrigue, la collaboration regroupant le LAL, le laboratoire de l’École Polytechnique et des physiciens européens a ainsi construit à Saclay une chambre de 12 m³, qui sera installée fin 1970 au CERN et prendra des données jusqu’en 1976. En bombardant la chambre par un flux intense de neutrinos, des muons ou des électrons issus de l’interaction du neutrino avec un noyau devaient être observés.
Des événements sans muon ou électron sont cependant aussi observés, ce qui traduit l’échange d’une particule électriquement neutre. La découverte de ces courants neutres est absolument majeure car elle assoit la construction toute récente par Glashow, Salam et Weinberg (GSW) de la théorie électrofaible, unifiant la force faible (responsable de phénomènes tels que la radioactivité) et la force électromagnétique. Cette théorie prévoit en effet des interactions entre fermions médiées par une particule ayant une charge électrique, le boson W, mais aussi des interactions médiées par une particule neutre, le boson Z. Ces bosons seront découverts 10 ans plus tard, mais la preuve de l’existence des courants neutres marque la naissance du modèle standard, dont la théorie GSW est un des piliers.