L’année 1985 signe la fin d’une époque pour les laboratoires d’Orsay, qui perdent leurs grands accélérateurs… L’IPN ferme ALICE et perd aussi, quelques années plus tard, son synchro-cyclotron, tous deux dépassés par les machines des laboratoires nationaux GANIL et SATURNE. La même année 1985, le LAL abandonne ses machines de physique des particules et les transfère au LURE, créé en 1976. Sous l’impulsion de Yves Farge et Yves Petroff, et grâce aux équipes des physiciens accélérateur du LAL, menées par Pierre Marin et Michel Sommer, le LURE était rapidement devenu un laboratoire pionnier dans le domaine des sources de lumière, avec la réalisation d’un certain nombre de premières mondiales. Sur l’anneau ACO par exemple, la mise en œuvre du premier « onduleur » en 1978 avait mené à l’invention du Laser à Electrons Libres (LEL), dispositif capable de produire un rayonnement électromagnétique très puissant et cohérent à partir de faisceaux d’électrons relativistes passant dans des champs magnétiques intenses et alternés.
L’anneau DCI, de son côté, possédait le record du monde pour la durée de vie du faisceau : injecté une fois par semaine, le lundi, il était utilisable, jour et nuit, jusqu’au samedi matin. La raison de ce record n’est pas banale : un jour, Pierre Marin se mit en tête de produire le rayonnement synchrotron avec des positons; idée saugrenue a priori… mais qui permit de muliplier par 10 la durée de vie du faisceau, les courants de positons interagissant moins que les électrons avec les gaz résiduels de l’anneau! A partir de ces premiers résultats et grâce aux travaux des spécialistes des anneaux de stockage du LAL qui montrèrent qu’il était possible de réduire de façon très significative l’émittance des faisceaux et, corrélativement, d’augmenter d’autant la brillance de la lumière émise, les équipes du LURE purent alors ouvrir la voie vers les anneaux de lumière ‘de troisième génération’, optimisés pour la production de rayonnement synchrotron.
La stratégie française se dessina rapidement autour de deux projets : d’une part, une source dans le domaine des rayons X ‘mous’ qui devait remplacer ACO – le projet Super-ACO à Orsay – et d’autre part, une machine ambitieuse dans le domaine des rayons X plus énergétiques, dont le coût excédait les moyens nationaux et qu’il fallait donc envisager au niveau européen, l’ESRF (European Synchrotron Radiation Facility) à Grenoble. Basé sur un synchrotron à électrons de 6 GeV, le projet démarre officiellement sa construction en 1988, sous la direction magistrale de Jean-Louis Laclare, déjà concepteur de SATURNE-II et futur concepteur de SOLEIL. L’ESRF sera inauguré en 1994. En Décembre 2003, à Orsay, le LURE cessera définitivement l’exploitation de ses deux synchrotrons et de son linac (dont le démantèlement prendra une dizaine d’années) et fermera ses portes. Les équipes du LURE rejoindront alors le tout récent synchrotron SOLEIL, dont la construction est décidée en 2000 à Saclay (et non sur le site du GANIL comme initialement prévu!). SOLEIL sera inauguré en 2006.