Pendant l’instruction du dossier du CERN en 1954 par l’Assemblée Nationale, Irène Joliot-Curie, dans une tribune au Monde, argumente que la participation des scientifiques français ne pourrait devenir significative et excellente que si elle repose sur des accélérateurs modernes et performants dans les laboratoires Français. Ces grands instruments ne pouvant se construire à Paris intra-muros, le site d’Orsay est choisi côté CNRS pour la construction de deux nouveaux laboratoires : les équipes du laboratoire de physique de l’Ecole Normale Supérieure, menées par Yves Rocard, disposeront d’un accélérateur linéaire d’électrons tandis que Irène sélectionnera un synchro-cyclotron à protons pour ses équipes du Laboratoire Curie de l’Institut du Radium.
Afin d’assurer la réalisation de ces machines, qui produiront des gammes de faisceaux complémentaires à ceux du CERN, une équipe d’ingénieurs accélérateurs est mise en place dès 1955. Les fondations des premiers bâtiments sortent rapidement de terre et les premiers physiciens arrivent à Orsay en 1957. Côté CEA, vu l’espace limité des premières expériences à Fontenay-aux-Roses, le site pour un nouveau grand centre avait déjà été choisi quelques années auparavant : le CEN du plateau de Saclay ouvre en 1952. L’accélérateur choisi pour le CEA sera un synchrotron à protons de 3 GeV afin de couvrir le domaine d’énergies intermédiaires entre les deux machines du CERN, le synchro-cyclotron et le PS.
La décision de construire SATURNE est prise en 1955, sous l’impulsion notamment du chef du Service de Physique Nucléaire du CEN, André Berthelot, et le synchrotron, construit par Alsthom, entrera en service en 1958. Pour les besoins de la physique nucléaire, le CEA se dotera aussi entre autres, une dizaine d’années plus tard en 1969, de l’Accélérateur Linéaire de Saclay (ALS), qui s’avèrera très performant et délivrera son dernier paquet d’électrons de 600 MeV début 1990 à l’Orme des Merisiers. Pour la petite histoire, les sites de Saclay et Orsay ont été choisis car les Joliot-Curie habitaient à Antony et utilisaient la ligne de Sceaux – aujourd’hui le RER B – pour se déplacer à Paris. Irène adorait monter depuis Orsay au plateau pour s’y promener, et elle aurait songé au site dès 1942 !